Un article tout doux à savourer cette semaine, une auteure enseignante vous invite à découvrir et faire découvrir à vos élèves, les aventures “perceptives”, sensorielles, affectueuses et sensibles de “Petit Carnet”. Une oeuvre dont la mise en page aérée et la police de caractères choisie permettent une lecture en quasi-autonomie. Un choix résolu de permettre l’accessibilité aux “beaux textes”, une fable poétique qui sollicite l’exploration des sens, l’incitation à la rêverie tout autant qu’à l’attention soutenue. L’occasion également de re-questionner nos pratiques en littérature…
Allez, je laisse la parole à Audrey… Un cadeau original pour Noël qui approche… Retrouvez l’auteure et l’illustratrice pour la séance de dédicace, le 08 décembre prochain. Tous les détails pratiques en fin d’article, bien sûr.

Faire la genèse de Petit Carnet ?

“Comme cela m’est difficile… Il me faut revenir en moi-même pour saisir à nouveau ces premiers instants, quand la pensée se forme puis se déploie en variations colorées et sensibles…

C’est vrai, je suis liée depuis fort longtemps à ce petit objet que l’on peut transporter partout, qui rassemble entre ses pages des fragments d’univers, des paysages intérieurs et qui, à lui seul, garde trace d’un instant, d’un moment, d’une journée … Et de tant de choses bien plus intimes, qui sait ?
Carnets d’artistes, d’écrivains, d’aventuriers terrestres ou de voyageurs maritimes ont souvent attiré mon regard…

Carnets dénichés dans de vieux cartons ou au creux des greniers ont fait ma joie, fondé ma surprise…

Carnets fibreux, confectionnés amoureusement au cœur des moulins par des mains méticuleuses ont provoqué en moi une attirance épidermique.

Carnets … Carnets… Carnets… En tous genres. Pour ma plume.

Carnets… Carnets … Carnets. En tous genres. Pour toutes les plumes.

Tels étaient probablement mon vœu et mon point de départ.

Je me souviens d’une consigne d’écriture donnée à un élève, un jour de l’année 2014 :

« Fais parler ce carnet abandonné involontairement par son compagnon épris d’aventures… » Cela avait donné un texte très émouvant. Il est resté dans ma mémoire…

Je me souviens du carnet de route de Raymond Maufrais, perdu puis retrouvé en Guyane dont les phrases poignantes me serrent encore la gorge.

Je me souviens d’un album Le livre et le baiser de Jean-Claude Gérodez, sublime de poésie et de tendresse.

Ndlr : “Lorsqu’un livre perd ses mots et même sa couverture, transis de froid sur la neige, quelle chance qu’un baiser réchauffe ses pages… ! “Partons à la recherche de tes phrases” décident les lèvres rouges du baiser. Le livre retrouvera-t-il ses mots, ses phrases, sa couverture… ?”

 

 

Je me souviens de ces carnets si particuliers, réservés aux apprentis lecteurs si chers à Catherine Tauveron, éminente spécialiste de la littérature à l’école. (Ndlr : Suivez ce lien, et prenez une heure pour une conférence passionnante, bousculante, enrichissante sur la compréhension de lecture)

Et je me souviens de tous les autres, apprivoisés affectueusement par mes petits élèves. Ces carnets-là étaient les garants de leurs bons mots et de tant de belles phrases recopiées puis mémorisées. En effet, il y a des auteurs que l’on garde avec chaleur dans son cœur depuis sa tendre enfance.

Oui, un petit objet pouvait détenir bien des pouvoirs ! Il parvenait à déclencher l’écriture, permettait de retranscrire le monde perçu et ressenti, donnait envie de croquer les êtres rencontrés (ces autres que soi-même) et mettait même au jour les parcelles d’un « arrière-pays »

Il devenait le creuset d’une résonance !

C’est cette idée qui m’a beaucoup inspirée, je crois.

Ainsi ces simples objets témoignant d’une époque, traçant une observation géographique ou naturaliste, narrant visions, sentiments, sensations ou convoquant l’art, la poésie et la spontanéité par des formes vivantes, libres et renouvelées me ravissaient.

Il fallait donc que je parle de cet objet pluriel, inclassable, mouvant, si singulier et tellement riche du temps qui passe…

En mon esprit se formait alors une sorte de petit être, un gentil carnet doué de vie qui ne demandait qu’à découvrir le monde. Et ce personnage naïf, bon et généreux que j’imaginais, m’attendrissait déjà. Il fallait absolument que je lui prête une aventure, que je lui donne consistance, que je mette en mots son expérience, que je déroule son initiation, son apprentissage. Cet être innocent aux pages vierges, je décidais de l’appeler Petit Carnet.

Petit Carnet se sentait seul. Abandonné sur un bureau, il était délaissé par une femme prénommée Blanche. Oui, quelquefois les drames de l’existence conduisent certains êtres à se retirer du monde, à ne plus pouvoir s’exprimer tant la douleur est grande. Petit Carnet avait perçu la détresse de la « femme de l’appartement » mais ne savait comment faire pour lui venir en aide.

Et un jour, un miracle se produisit. Un pigeon blanc, Ernest, se présenta face à Petit Carnet et lui annonça clairement sa mission :  ramener, sans attendre, l’inspiration à Blanche !
Cette annonce suscita bon nombre d’interrogations chez Petit Carnet mais ce dernier n’hésita pas une seconde et partit en direction des Terres du Sud sur le dos d’Ernest, ce voyageur et merveilleux guide !

Petit Carnet avait une mission. Il recherchait l’inspiration mais il ne savait comment faire pour trouver une telle chose. Premièrement, son corps en papier ne lui permettait pas de se déplacer ni de saisir quoi que ce soit et deuxièmement, l’inspiration semblait être une chose bien mystérieuse puisqu’elle était, il l’apprendrait, impalpable…

Heureusement grâce à son nouveau compagnon d’aventure, tout devint possible… Et,  grâce aux rencontres au long de son voyage, tout s’éclaira…

Déterminé, agissant et absorbant le monde environnant, Petit Carnet fit son expérience.  L’intention était présente : aider Blanche et lui ramener le « souffle de la création ». Le juste comportement était là : ouvrir chaque parcelle de son être, se mettre à ressentir réellement, à se colorer, à frissonner ! Et enfin, l’espérance et la ténacité le portaient vers l’inconnu, pour le ramener, peut-être, vers Blanche, malgré les dangers… Car pour apprendre, il fallait parfois tomber ! Petit Carnet allait s’en rendre compte…

Mais, il ne faut pas que je laisse trop aller mon petit bavardage car la meilleure façon d’en savoir davantage est bien de se plonger dans l’histoire de ce Petit Carnet en vol.  Je vous laisse donc ouvrir le livre et vous laisser guider au fil des pages…”

 

 

Des pages pour dire l’importance du renouement avec la nature et le corps.

Une nature généreuse et fécondante. Un corps vivant et vibrant.

Des pages qui croient en l’amitié comme en la valeur du papier.

Des pages pour l’appel des sens.

Des pages formulant la cassure, l’arrêt, l’isolement.

Des pages pour faire naître l’inspiration.

Des pages dont le voyage ravive l’enfance.

Des pages porteuses d’espérance.

Audrey Thaëron, Enseignante-Auteure
Journaliste “d’un jour” pour Accueillir les Différences

 

« L’écriture c’est le cœur qui éclate en silence. » Christian Bobin