Antibi1ère

Mardi 17 mai, la cour de La Providence à Nice qui bruisse d’ordinaire de mille bruits de lycéens affairés, est étrangement vide… d’élèves mais pas de profs ! En effet, si les jeunes sont en repos, leurs professeurs, eux,  viennent réfléchir à leurs pratiques d’évaluation avec André ANTIBI. Une journée qui s’annonce dense et passionnante… il y sera question de “Constante Macabre”, d’Evaluation Par Contrat de Confiance…Devant une assemblée attentive et concernée (des professeurs de la Providence, mais aussi de Nazareth, avec leur Chef d’établissement, et de St Barthélémy,  2 collèges niçois.), André Antibi dit très vite que pour lui, le mot clé de cette journée ne sera pas “évaluation”, mais “lutte contre l’injustice, contre le manque de confiance en soi”. Le ton est donné.
André Antibi possède des centaines de petites histoires (en apparence anodines…) pour illustrer son propos. Et il commence par ses 20 premières années d’enseignement (il est prof de maths) et nous raconte qu’il était convaincu qu’un “bon” sujet d’examen devait donner lieu à une moyenne de 10/20, quelles que soient les conditions de travail et les qualités des élèves et de l’enseignant. Or, avec une moyenne de classe de 10/20, la moitié des élèves environ est en situation d’échec. Constat accablant qui fait frémir les visages de nombre d’entre nous dans la salle. C’est un dysfonctionnement dont plus de 90 % des professeurs conviennent après avoir écouté les conférences données par Monsieur Antibi. C’est une sorte de “tradition” ridicule qui se perpétue de génération en génération ; nous le savons, il est très difficile de remettre en cause un système dans lequel on baigne depuis si longtemps. De nombreux parents s’inquiètent si la moyenne de classe est de 15 ou 16… ce prof ne serait-il pas démago ? laxiste ? Ainsi, notre orateur va dérouler devant nous ses propositions pour expliquer ce phénomène inconscient qu’il appelle la “Constante Macabre” et qui touche particulièrement les élèves à besoins éducatifs particuliers et les élèves des milieux défavorisés.
La tradition tout d’abord, en effet, l’être humain n’aime pas ne pas faire comme tout le monde (c’est une généralité, bien sûr… les rebelles existent aussi en éducation 😉 ) alors, il reconduit une ou des situations, sans se poser de questions.
La courbe de Gauss, on pense qu’une répartition de notes est un phénomène naturel…courbe de gauss et donc, c’est normal qu’elle donne lieu à une courbe de Gauss !  Nous voici avec nos 3 tiers ! Or, l’attribution d’une note n’a rien d’un phénomène naturel… la vitesse d’acquisition d’une notion par un élève, si ! Un enseignant ne sélectionne pas, il forme ! 

La confusion entre phase d’apprentissage et phase d’évaluationcette phrase et l’explication qui s’en suit a fait tilt dans ma tête… Bon sang, mais c’est bien sûr !! Suivez moi bien  : Il est normal que dans nos classes, lors de l’apprentissage, nous tenions compte des rythmes des élèves et de leur différentes manières d’apprendre. Ainsi, on retrouve ces fameux 3 tiers (1/3 de bons élèves, 1/3 de moyens, 1/3 de faibles). Face à cette hétérogénéité naturelle, le prof va multiplier les approches pédagogiques actives, pédagogie de projet, pédagogie différenciée, pédagogie coopérative…..et c’est ainsi que les élèves vont progresser. C’est alors qu’arrive l’évaluation et …. inconsciemment, on reporte cette réalité de diversité des profils d’apprenant lors de la phase d’évaluation  comme s’ils n’avaient pas progressé pendant cette phase d’apprentissage… Et, si, par “malheur”   😳 , l’élève Toto,  qui ne comprenait rien au début de la séquence, a une “bonne” note lors de l’évaluation, on en viendrait presque à penser que “l’éval” était trop facile !!!”. 

Le professeur Antibi nous décrit avec humour (parce qu’il vaut mieux en rire… juste avant de changer ça !!) la manière dont nous nous y prenons pour “obtenir notre Constante Macabre”. Ca va du sujet trop long pour compenser l’apparente facilité d’un sujet, en passant par “la question cadeau” : si un prof est convaincu que tous les élèves scouverAntibiauront répondre à la question…. il ne la pose pas ! sans oublier “la drôle de générosité” où le professeur pose un sujet qu’il sait long et difficile et augmente les notes pour passer à une meilleure moyenne de classe… j’en passe ; vous retrouverez ces “dix trucs” dans son ouvrage  ➡
Loin de nous accabler, André Antibi sait qu’une très forte majorité d’enseignants souhaite la suppression de la constante macabre, et que de plus en plus de voix (y compris dans l’institution Education Nationale) s’élèvent pour souhaiter ce changement. Par ailleurs rappelé dans la circulaire de rentrée 2016/2017 circulairederentrée2016.

Alors, me direz-vous, on fait comment pour se sortir de cette spirale ? André Antibi propose de permettre concrètement et simplement à l’enseignant de “s’en libérer” en utilisant un système d’évaluation facile à utiliser et qui ne nécessite aucun moyen supplémentaire, déjà mis en pratique par plusieurs dizaines de milliers d’enseignants (du primaire, comme du secondaire). Ce système d’évaluation a pris le nom de “Evaluation Par Contrat de Confiance” (EPCC).

Comment ça marche ?
1ère étape : Une semaine environ avant chaque contrôle, évaluation de connaissances, l’enseignant donne un programme très détaillé de révisions. Plus exactement, il choisit et communique à l’ensemble des élèves une liste de points, d’exercices, de textes qui balaient les notions fondamentales déjà traitées et corrigées en classe, en accord avec le programme officiel. Les élèves sont informés que 4/5 du contrôle porteront sur certains points de la liste. Attention, ce ne sont pas les questions de l’évaluation qui sont données, ce sont les exercices, les entrainements, les résumés… construits, réalisés et corrigés en cours qui sont communiqués. Cette liste doit être suffisamment conséquente pour éviter “l’apprentissage par coeur”.

2ème étape : Séance de questions/réponses pré-contrôle. Objectif : permettre aux élèves qui n’ont pas compris certains points de demander des explication à l’enseignant (A programmer deux jours ou 3 jours avant). Cette séance est organisée entre l’annonce du programme du contrôle et le contrôle. Le rôle de l’enseignant est de répondre aux questions des élèves. Vous imaginez bien que les questions des uns vont servir aux autres et que l’émulation n’en est que plus importante.

3ème étape : Elaboration et correction du sujet. Les questions ne peuvent pas être des questions pièges, la longueur sera raisonnable et les exigences de rédaction seront précisées aux élèves (La Constante Macabre plane toujours au-dessus de nos têtes et la tentation est grande d’augmenter les exigences de rédaction … sans prévenir les élèves de celles-ci).

AntibiCorinneC’est tout ? Et bien oui, c’est tout…et pourtant c’est beaucoup ! Pour nous le “prouver” si besoin en était, en dernière partie de la matinée, Corinne Ottomani-Croc, professeur de mathématiques venue témoigner de son expérience de “pionnière” nous révèle ce qu’elle a pu observer en plus de 10 ans de pratique de l’EPCC :

  • Plus grande concentration en classe
  • Révisions plus approfondies
  • Prise de notes plus consciencieuse
  • L’EPCC favorise les élèves qui travaillent
  • EPCC : un moyen de lutter contre l’absentéisme.

“Ce que l’on exclut de la tête de l’élève, c’est le sentiment de travailler pour rien, de ne rien reconnaître de ce qu’il  a appris, de ne pas comprendre ce que l’on attendait de lui. Les élèves qui travaillent sont motivés. J’ai beaucoup moins d’élèves en soutien. Mon rôle est d’être partenaire, en confiance, de mes élèves jusqu’au jour de l’évaluation. Je leur ai expliqué exactement pourquoi je faisais ainsi, j’ai expliqué aux familles, aux collègues. Mes élèves connaissent le processus et si par malheur, je me trompe, il y en a toujours un pour me rappeler “les 16 points en EPCC” !  Leurs notes sont de vraies notes, les résultats s’améliorent. A ceux qui me disent que nous devons les préparer aux rudesses de la vie, je rétorque qu’une belle confiance en l’adulte, et qu’une vraie estime de soi sont les meilleures armes pour les affronter.”
Ces propos sont dits avec sincérité, conviction et simplicité. C’est ce que l’on appelle un beau partage d’expérience !

Corinne vient de m’envoyer un message pour me dire que l’après-midi s’était fort bien déroulée et que de nombreux professeurs allaient se lancer dans l’EPCC… On attend leurs retours avec impatience !
Pour les entendre tous les deux, c’est ici. Suite très bientôt, avec le compte-rendu de l’après-midi par Stéphanie, enseignante ressource à la Providence.

Et le voici, le voilà, le retour de Stéphanie !! Merci à elle.
“En ce début d’après-midi, nulle ne se doutait qu’un match entre littéraires et scientifiques se préparait. “Facile d’appliquer l’EPCC en maths ! ECPCProvidenceMais en français par exemple, comment adopter la méthode à de l’analyse?” “Aucun problème à appliquer en maths!” “Mais nous aussi nous avons besoin d’analyse en ST2S!”. Et oui, le chef d’établissement, Fabrice Hermil, avait demandé à son équipe pédagogique de réfléchir aux limites du système. Dans son rôle d’arbitre et d’expert, André Antibi a su démontrer que l’ECCP était applicable dans sa globalité ou partiellement et qu’aucune matière n’était à part. L’objectif est que les élèves se construisent un savoir-faire mais qu’ils se rendent également responsables y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus de la méthode. Nous pouvons dire que l’intervention fut réussie car nombreux sont les professeurs prêts à providenceECPCtenter l’expérience à la rentrée prochaine et Fabrice Hermil, habitué à utiliser l’ECCP,  souhaiterait l’appliquer à l’ensemble de la 3e prépa pro.  De beaux projets d’équipe à venir.Stéphanie Caballero, professeur de lettre à la Providence, enseignante ressource.